J’ai rencontré Charlotte il y a maintenant deux ans, son aventure humaine autant qu’équine avec Duc m’a attiré dès le début. Aujourd’hui Charlotte est monitrice d’équitation classique mais surtout optimiste, humaniste, sensible et juste. Je vous laisse découvrir son interview !
Comment as-tu commencé ton aventure avec les chevaux ?
D’aussi loin que je puisse me souvenir (et les photos d’enfance bien gênantes avec tenues des années 80 le prouvent…) j’ai toujours été à fond sur les chevaux. J’étais la classique gamine qui faisait suer ses parents pour faire le tour de poney à 20 francs où qu’on aille (pas très éthique les tours de poney d’ailleurs, mais à 5 ans je m’en foutais un peu j’avoue !) J’étais le genre de gosse à qui tu proposais le ski, les iles tropicales ou un safari en Afrique et qui répondait « non moi je veux faire du poney dans la Creuse !! » Bref, ils ont fini par craquer en m’envoyant en colo de poney, puis en m’inscrivant en club à Maisons Laffitte à mes 9 ans et là c’était la fin des haricots : la suite, on la connaît !
Pourquoi as-tu choisi de devenir monitrice ? Qu’est ce qui t’as attiré dans ce métier ?
On commence fort ! Après un burn out dans mon ancienne vie pro (dans le domaine juridique), j’ai eu envie de pratiquer un métier qui me rendait profondément heureuse. J’ai toujours aimé les chevaux (cf question d’avant !), j’ai toujours aimé les gens, transmettre et enseigner donc ce choix de reconversion était une évidence (qu’est-ce que ça fait cliché ahah !) J’aime tellement de choses dans ce métier : la diversité, les dimensions psychologique, humaine, intuitive, le fait que globalement tu vends du bonheur (pas uniquement, car comme chacun sait, on passe par des phases plus ou moins confortables mais dans l’ensemble c’est tellement chouette). Dans mon ancien métier, je validais, je bloquais les projets/idées des autres, aujourd’hui je les aide à avancer et c’est une source de joie immense, je me sens enfin à ma place.
Comment as-tu connu Duc ?
Comme n’importe quelle autre rencontre homme-cheval : il m’a appelée, pardi ! A l’époque, je cherchais à acheter un cheval mais c’était prévu pour l’été suivant. Je suis partie en weekend rando avec des amis et ai fait la rencontre d’une femme qui m’a parlé « juste comme ça » d’une écurie qui vendait des top chevaux. Elle avait particulièrement une jument en tête pour moi mais quelques jours plus tard lors de ma visite sur place, j’ai flashé sur Duc. A la base, je cherchais un gris, plutôt typée anglo avec du sang et j’ai trouvé un petit Selle français hongre bai brun trapu… CQFD !
Qu’est-ce que l’arrivée de Duc a changé pour toi ?
Alors comment dire… TOUT ! Après seulement 2 années ensemble, ce cheval m’a déjà tellement appris sur moi, sur la vie, je ne sais même pas par quoi commencer. C’est grâce à lui que j’ai expérimenté de nombreuses méthodes éducatives, que je me suis mise à la communication animale, que je me suis dépassée de nombreuses fois. Il m’oblige en permanence à me remettre en question sur mes façons de faire, de penser, d’être : c’est vraiment un maître pour moi. Je ne peux rien lui cacher, et dès qu’il développe un comportement inhabituel je sais désormais qu’il faut aller chercher un peu plus loin que le bout de mon nez car il y a toujours quelque chose derrière.
Lorsque je t’ai connu tu avais comme volonté de te diriger vers l’équitation éthologique en passant ton BFEE1, que tu as obtenu depuis. Pourquoi t’être dirigé vers cette équitation ?
J’ai eu la chance de découvrir l’approche « naturelle » de l’équitation grâce au Poney Club de la forêt de Moulière où j’ai passé toutes mes vacances d’été étant enfant. Puis j’ai assisté à de nombreux débourrages dans un élevage normand où j’allais également chaque année. L’éducation des chevaux a donc toujours été présente dans ma vie et m’a très tôt intéressée. Enfant, ado, puis jeune adulte, je montais chaque année en club, j’aimais le dressage, mais il m’arrivait souvent de percevoir la tristesse et l’injustice ressentie par les chevaux de centre équestre : les questionnements sur le sens de tout ça faisaient surface à intervalles de plus en plus réguliers. Un jour, j’ai eu la chance de rentrer dans la sphère du Horsemanship par le biais d’une relation amicale d’enfance qui travaille en tant que formatrice pour Andy booth. Ce fut une révélation et à compter de ce moment, je ne me voyais plus aborder les chevaux comme on me l’avait appris en club parisien de façon « classique ». Puis ce furent des rencontres au fil du temps qui m’ont permis de me cultiver sur de nombreux aspects de l’approche holistique des chevaux : pieds nus, alimentation, ostéopathie, CA, énergétique et j’en passe. Plus j’en apprends, plus j’ai envie d’en apprendre encore !!
Depuis ce jour (il y a 2 ans il me semble) tu as énormément évolué. Peux-tu nous dire dans quelle direction et pourquoi ?
Au début de ma reconversion, j’avais une grande quête de reconnaissance par les diplômes, une sorte de besoin de validation « officielle ». Étant nouvelle dans le milieu, je me sentais peu légitime et voulais absolument rentrer dans un moule, une méthode pour être visible sur le marché et crédible aux yeux des gens. Puis, je me suis rendu compte que ma valeur n’était pas forcément dans les diplômes et ma capacité à restituer un discours unique, un courant de pensée, bien au contraire. J’avais au commencement une vision très scientifique des chevaux, car je pense que ça me rassurait et me cadrait. Puis la vie (Duc, le premier) m’a permis de comprendre par de nombreux évènements (pas toujours heureux d’ailleurs) à quel point les chevaux étaient des guides de vie, porteurs de messages et non pas des robots aseptisés. J’ai donc pris un pli beaucoup plus intuitif dans mon rapport à ces merveilleux animaux, tout en conservant ma « technique » de base (au sol et en selle) et mes connaissances scientifiques. C’est, je trouve, un très bel alliage qui me permet d’aborder les chevaux avec un mélange de science et d’intuition.
Quelle est ta façon d’enseigner aujourd’hui ?
Bon et bien du coup, j’ai un peu répondu à cette question juste au-dessus ! J’enseigne avec beaucoup d’intuition, je ressens beaucoup de choses, chez le cavalier comme chez son cheval. J’aime prendre le temps de découvrir chaque couple pour connaître son histoire, son vécu et à vrai dire surtout celui de l’humain car beaucoup de choses se jouent en nous, dans nos rapports aux chevaux. La technique est importante bien entendu, elle fournit des outils précieux pour « parler » cheval clairement, mais elle n’est rien sans intuition et écoute de ses ressentis. J’invite, bien souvent, et avec le plus de douceur possible, l’humain à se remettre en question et à regarder en lui ce que peuvent montrer les comportements de son cheval car tout est là : c’est affreusement cliché, mais ils sont nos miroirs.
Qu’est-ce que tu as envie de transmettre aujourd’hui ?
Quand je rencontre un couple, je me dis « comment vais-je pouvoir les aider à être heureux ensemble ? ». Mon but est vraiment de donner toutes les clefs au cavalier et au cheval pour aller vers la plus grande autonomie possible. C’est important de le préciser car je ne souhaite pas rendre mes clients dépendant de ma présence, tout au contraire ! J’aspire à rendre les gens et les chevaux bien dans leur peau, qu’ils découvrent leur pleine capacité, leur pleine puissance, par eux-mêmes. Je suis persuadée que lorsqu’un être (humain ou animal) réalise ce dont il est capable et que cela vient de lui, de son expérience propre, cela a 1000 fois plus de valeur et de profondeur que lorsque cela vient de l’extérieur. Chacun d’entre nous a le pouvoir de s’améliorer et d’être heureux, il faut juste trouver les bons chemins ! J’aimerais aussi transmettre l’idée que rien n’est parfait, jamais, qu’il faut essayer, se tromper, chercher, pour finalement trouver ce qui nous convient. Que la remise en question doit être permanente, même au sein d’un même couple cheval-humain, les choses changent, les périodes, les personnalités, tout est en évolution constante donc il faut accepter l’idée de se transformer régulièrement et épouser le mouvement si l’on veut tendre vers l’harmonie.
Si tu pouvais éliminer une chose dans le milieu de l’équitation qu’est-ce que ça serait ?
Ça peut paraitre étrange comme réponse mais aujourd’hui je crois que je dirais : « rien ». Il y a encore 6 mois je t’aurais dit « les gros méchants qui ferrent leurs chevaux, les enferment au box, les maltraitent » … Mais au final : de 1) j’ai appris à ne plus avoir une vision arrêtée sur certaines pratiques sans vraiment savoir le pourquoi du comment et juger bêtement et 2) je sais aujourd’hui que chacun suit son chemin, et ce à son propre rythme. Les mentalités changent progressivement, et je n’ai encore jamais rencontré de purs sadiques qui vont pratiquer des traitements nocifs sur les chevaux « parce que c’est super jouissif de faire mal aux chevaux ouai !!! ». Les mauvaises pratiques sont bien souvent dues à l’ignorance des gens, aux habitudes héritées des générations précédentes plus qu’à de mauvaises intentions. Et j’ai remarqué que si l’on amène en douceur un discours de changement, le message peut faire son chemin, plus qu’on ne l’aurait imaginé.
Qu’est-ce que tu aimerais voir plus souvent dans le monde de l’équitation ?
Vaste question… Je crois que je vais dire la même chose que beaucoup de « horsemen/women » : j’aimerais voir plus d’humains qui mettent le cheval au premier plan, de remises en question, d’échanges bienveillants entre professionnels, de compassion et d’écoute, le tout orienté vers un seul et même but : le bien être des chevaux. Moins d’égo évidemment, moins d’actions guidées par la colère, les blessures, la peur. Bref, une équitation (mais on peut même étendre à un monde) plus guidé par l’amour que par la peur (ca devient vraiment très très philosophique mon histoire là…)
Si cet interview vous à plus, vous pouvez retrouver et contacter Charlotte sur Facebook et Instagram et suivre ses aventures en tant que monitrice et cavalière.